Petits Pélagiques

Pays victime d’une extrême pauvreté, la Guinée se fait piller ses eaux par les chalutiers chinois

Une triste version de « David contre Goliath » est en train de se dérouler en Guinée. Des chalutiers chinois pêchent illégalement dans les mers guinéennes, les laissant vides et détruisant ainsi la vie sous-marine. Malgré les conséquences désastreuses pour l’économie du pays, le gouvernement guinéen échoue à préserver ses eaux, faute d’argent pour installer des équipements de surveillance. 

La Guinée, pays au nord-ouest de l’Afrique, a été classé neuvième pays le plus pauvre par le FMI, en 2015. Le pays est souvent appelé le « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » grâce à ses forêts, au fleuve Niger, aux campagnes, éléments qui favorisent le pays. Cependant, des dizaines d’années de mauvaise gestion en ont fait un pays qui reste largement sous-exploité, malgré les besoins d’une population en pleine croissance. 

La pêche est un secteur important de l’économie du pays, que ce soit un attribut touristique ou commercial. Abdoulaye Soumah, un pêcheur du port de Bonfi à Conakry, capitale guinéenne, commente l’évolution de son activité. « Nous avions l’habitude de ramener entre 630 et 1270 euros de poissons par jour. Mais maintenant, à cause de l’augmentation de la pêche illégale, il y peu de poissons. Nous ne ramenons désormais qu’environ 125 euros de poissons par jour car il n’y a plus de poissons dans notre zone habituelle », ne décolère-t-il pas. L’ONU estime que la pêche illégale dépouille l’économie mondiale de plus de 23 milliards de dollars chaque année. Selon l’organisation Environmental Justice Foundation, les mers d’Afrique de l’Ouest subissent la plus forte présence de pêche illégale. Plus d’un tiers des poissons pêchés dans la région sont attrapés de manière illégale. « Ces pirates volent aux plus pauvres de notre planète leur seul moyen de faire un peu de profit », explique Steve Trent, directeur de EJF. Il accuse également les incapacités du gouvernement guinéen, la corruption et les ressources sous-exploitées d’être responsables de cette situation. L’EU est également responsable de cette situation car les pays européens ont banni le marché guinéen jugeant le gouvernement africain « pas assez enclin à reformer le pays ». Un bateau de pèche traditionnel en Guinée Un bateau de pêche traditionnel en Guinée Les chalutiers chinois pillent les mers d’Afrique de l’Ouest pour une raison : le tambour jaune. Ce poisson, très apprécié des Asiatiques, avait déjà disparu des mers chinoises à cause de la surpêche. Il fait désormais partie des espèces en voie d’extinction. « En 2008, dans nos eaux, on comptait 14 chalutiers chinois.

En 2016, ils sont près de 500 chalutiers pour trouver cette espèce de poisson », s’insurge Aboubacar Kaba, leader de l’union de la pêche artisanale à Conakry.

Selon Greenpeace, beaucoup de ces compagnies n’en sont pas à leur coup d’éclat dans la région ; de nombreux incidents liés à l’activité illégale des chalutiers chinois ont été reportés. Au-delà de ces pratiques illégales, les chalutiers chinois ont également profité de la faiblesse de la Guinée, pendant le pic d’Ebola qu’a subi le pays, selon un rapport de Greenpeace.

« Pendant l’explosion de l’épidémie, le pays a concentré toutes ses ressources et ses capacités pour vaincre Ebola. Pendant une mission d’un mois durant cette période, nous avons pu repérer un chalutier différent tous les deux jours. Nous avons découvert que de nombreux vaisseaux chinois sous-évaluaient volontairement leur tonnage brut pour payer moins de taxe à la Guinée, entre autres.

Les vaisseaux en question sont interdits dans de nombreux pays car ils sont extrêmement destructeurs. Ils emportent tout sur leur passage au fond de l’océan. Près de 90 % de leur pêche peut être rejetée à la mer, souvent déjà morte. Ils sont également présents dans les zones de pêche artisanales », développe Ahmed Diame, militant Greenpeace pour les océans africains.

Les autorités locales sont impuissantes face à ces pirates. Les autorités maritimes de Conakry se sont vu offrir un impressionnant dispositif de surveillance par l’Union européenne. Le problème ? Ils n’ont jamais été capables de s’en servir car l’abonnement au satellite permettant le système GPS coûte 10 000 euros par an. Ils n’en ont pas les moyens. Le gouvernement tente de redoubler d’effort mais sans ressources, la bataille semble perdue d’avance. Le pays a récemment signé un traité pour servir contre la pêche illégale et un nouveau ministre de la pêche est entré au gouvernement, Andre Loua. La situation reste tout de même un vrai gouffre pour les pêcheurs locaux. « La prochaine génération n’a aucune chance. Nos enfants survivent grâce à notre activité, nous permettant de les éduquer, les nourrir, les soigner. Ces pirates sont en train de détruire une économie déjà fragile. Quel sera l’impact pour nos enfants ? » s’indigne un pêcheur. Cette situation désolante met une fois de plus en lumière les problèmes de notre planète, à l’instar de ces quelque 300 000 dauphins qui meurent chaque année dans les filets destinés à la pêche au thon.

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