Mangrove de Tristao

Destruction de mangroves et abandons des rizières à Tristao : un projet de réhabilitation émeut les communautés cibles

Le dimanche 29 mars 2020, une mission de Guinée Ecologie conduite par un consultant en mangroves, M. Daouda Camara accompagné de Mamadou Aliou Diallo, journaliste sur les questions environnementales a organisé une réunion de prise de contact avec les autorités, les notabilités, les sages, les propriétaires fonciers de Katfoura, et des éco-gardes de l’aire marine protégée de Tristao.

L’objectif est de les présenter la mission, le projet sur la restauration des rizières abandonnées, et ses objectifs. Aussi, inventorier avec les communautés, les périmètres concernés par la réhabilitation, partager avec elles les résultats attendus et recueillir leurs avis préliminaires sur les contraintes et problèmes majeurs aux plans agricole, environnemental et social.

Le chef de mission, après avoir présenté la mission et les superviseurs résidents, il a rappelé le contexte du projet qui a érigé en 2013, les iles Tristao au statut d’Aire Marine Protégée (AMP) communautaire. L’objectif de cette AMP, selon M. Daouda Camara est  « d’assurer  la protection de l’île,  la conservation participative de sa biodiversité socioculturelle, en vue de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des communautés qui y vivent ».

Cependant, fait-il remarquer, « les forêts de mangroves qui entourent et protègent environ 90 % des côtes des  îles Tristao contre l’érosion côtière, l’émission des gaz à effet de serre et autres aléas, ces forêts, disons nous, diminuent de façon inquiétante ».

Face à cette situation très préoccupante et dans le souci d’éviter une catastrophe naturelle incontrôlable, un projet de conservation de la mangrove a été développé  et financé par la fondation Dob Ecology. Lancé en 2019, il est conjointement mis en œuvre par le Partenariat Régional pour la Conservation de la zone Côtière en Afrique de l’Ouest (PRCM) et les ONG Guinée Ecologie – PREM en étroite collaboration avec l’office Guinéen des Parcs et Réserves (OGUIPAR).

Sa vision principale est d’accroître la superficie des forêts en zone de mangrove des îles de Tristao à travers : la plantation d’essences de 200 hectares  de forêts de mangroves, la mise en défend pour la régénération naturelle de 400 hectares de forêt de mangrove et la mise en œuvre de mesures concrètes pour une gestion durable de la mangrove.

Après avoir conclu son speech, M. Camara a écouté les réactions des communautés. La rencontre a réuni 20 personnes dont la présidente des femmes de Katfoura.

Prenant la parole, le président du comité de gestion de l’AMP, Babady Camara, dit être très satisfait de l’arrivée de la mission à Katfoura. « Nous vous recevons à bras ouverts. Les questions que vous avez soulevées sont des préoccupations majeures au sein de notre communauté, qui est essentiellement rizicole. Nos difficultés majeures se situent au niveau de la remontée saline. Nous faisons des digues dans la mangrove. Ces digues disparaissent  sous l’effet des eaux salées. En ce moment, nos récoltes ne sont pas bonnes. Nous sommes obligés de nous tourner ailleurs pour trouver à manger. Si vous venez pour nous aider à trouver des solutions à ces problèmes, nous sommes très contents. Nous avons décidé de suivre à la lettre la méthodologie de travail du projet ».

A écouter les populations de Katfoura, ils fournissent d’énormes efforts dans les travaux pour la production rizicole. Sachant que le riz est la nourriture de base dans cette communauté. Mais les rendements sont très faibles (600 kg à l’hectare, ndlr). Cela ne permet pas de soutenir la famille entre la récolte jusqu’à la prochaine production. Les paysans affirment que de nos jours, la réserve destinée à l’alimentation des familles est épuisée dans bon nombre de ménages. Certains disent déjà avoir touché les stocks réservés pour la semence à la prochaine campagne agricole. Voilà la grosse contrainte  à laquelle sont confrontés les habitants des îles Tristato.

La présidente des femmes de Katfoura, Mme Aïssata Kaféenn Keita déclare qu’elle aide son mari dans les travaux champêtres. Dans ses activités de repiquage de riz, elle dit être confrontée à des difficultés liées aux transports, à l’arrachage des pépinières et le travail sous la pluie. « Souvent la pépinière n’est pas faite à côté du champ. Parfois, il faut parcourir entre 3 à 4 km entre la pépinière et le périmètre de repiquage. S’il pleut toute la journée, nous sommes obligées de travailler sous la pluie. Ce qui est très contraignant et peut provoquer des maladies », note-t-elle. Quand les récoltes ne sont pas bonnes, les femmes font le fumage de poisson et la commercialisation pour aider à l’équilibre familial. Et selon elle, la défectuosité des digues peut être un facteur de la baisse des rendements rizicoles.

Au niveau de la pêche, « les captures ont baissé par rapport au passé. L’incidence des émigrés qui dévastent plus les mangroves constitue un facteur. L’autre aspect, c’est la raréfaction des habitats de poissons détruits surtout par les étrangers qui ne se préoccupent pas du respect des normes environnementales. Conséquences, les zones de pêche s’éloignent de plus en plus des communautés. Ils sont obligés d’aller entre 2 à 3 km pour avoir du poisson. Et les pirogues disponibles ne sont pas adaptées à cette pratique.  Ça pose d’énormes problèmes à la communauté de Katfoura. L’autre aspect est que les zones de pêche ne sont pas délimitées entre pêcheurs traditionnels et équipés».

Le patriarche du village, M. Aly Kabalan Camara a accentué son intervention sur les conditions climatiques et les changements qui sont en train de s’opérer au niveau des îles Tristato. « J’ai duré sur cette terre, mais je suis en train de voir certaines choses que je n’avais pas vues à mon jeune âge. Il fait de plus en plus chaud. Les pluies se font rares. Les marées deviennent de plus en plus hautes que par le passé. Et j’ai l’impression que la mer avance vers nos villages et nous sommes obligés de reculer pour conquérir des nouveaux espaces. Ce qui est très inquiétant pour l’avenir. Comme vous êtes venus nous aider, nous sommes très satisfaits. Il y a une main d’œuvre disponible, essentiellement des jeunes. La communauté souhaite que ça continue ».

A la fin des échanges, la mission s’est entretenue avec les superviseurs sur place afin d’identifier les prochaines localités et les périmètres à visiter pour la mise en œuvre du projet. Les villages de Katfoura, Koungha, Kaatchek, Katasnom et Kayétch ont été retenus avec différents périmètres rizicoles abandonnés sous l’effet de la marée saline.

La journée du 30 mars a été dédiée à aller informer les responsables des localités cibles du projet et des exploitants rizicoles de l’arrivée de la mission, afin de convenir sur les dates de visite ainsi proposées.

Ce travail a été effectué par les superviseurs tandis que  les consultants se sont focalisés à l’analyse et la capitalisation des premières informations recueillies.

Lire l’article original sur Impact Afrique

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